Le Groenland Est : voyage en terre inconnue
Après cette présentation succincte du Groenland, je souhaitais avant de rentrer dans le vif de notre aventure, faire un petit focus sur le Groenland Est où nous avons randonné car c'est vraiment un coin isolé de la planète, tout à fait spectaculaire.
Lorsque dans les années 1880 un bateau danois accosta sur la Côte Est du Groenland, ses occupants rencontrèrent 11 communautés Inuits et découvrirent l’île d’Ammassalik. Ce fut le dernier groupe humain de l’hémisphère Nord qui entra ainsi en contact avec le reste de l’humanité.
Cette information à peine croyable s’explique par la présence d’un courant polaire venu du pôle Nord (Polar Stream) qui déverse un flot continu d’éléments de la banquise fracturée en été en direction du Sud, le long de la Côte Est de la plus grande île du Monde, le Groenland. Une barrière naturelle faite de glace de mer morcelée, restée très longtemps infranchissable qui a isolé ces chasseurs nomades du reste des humains y compris de leurs congénères Inuits de l’Ouest.
Dans les années 1930, à peine un demi-siècle plus tard, c’est le jurassien Paul Emile Victor qui y arriva, à ski avec ses compagnons, lors d’une expédition venant de la côte Ouest. L’intrépide jeune homme décida qu’il se ferait adopter par une famille de chasseurs Inuits. Il y séjourna comme un Inuit une année. L’occasion de réaliser une remarquable étude ethnologique de cette population, sortie très peu auparavant de ce que l’on pourrait comparer chez nous au Paléolithique.
Le chercheur renouvela cette opération à plusieurs reprises lors de très longues campagnes d’études avec le support logistique du mythique « Pourquoi Pas ? » le navire d’exploration du Commandant Charcot.
Plus que sur la côte Ouest, l’isolement est important : 20 000km de côte du Nord au Sud avec seulement 3500 habitants répartis dans 5 villages et 2 bourgs.
Pour le moment, la prospection minière et l’industrie de la pêche n’ont pas trouvé d’implantation. La pêche en mer et davantage encore la chasse au phoque et occasionnellement la chasse réglementée à l’ours sont des ressources économiques importantes, des emplois directs et indirects.
Dans cette société façonnée par les valeurs scandinaves, les services et, à présent, le tourisme mobilisent une part importante des emplois restants.
Outre le flux de banquise morcelée observable à l’oeil nu des hauteurs de Tasiilaq, la région est traversée par des géants de glace détachés de l’inlandsis groenlandais tout proche. Ils dérivent sur des fjords à leur démesure. L’un a la surface d’un terrain de football, l’autre pourrait contenir un supermarché, celui-là un château fort.
Tranquillement, ils glissent vers le Sud sous nos yeux ébahis de trekkeurs incrédules. Notre semaine le long du fjord Sermilik « la route des icebergs » en Inuit, est un émerveillement permanent devant ce spectacle naturel hors du commun.